Elsie Whelen, est née à Philadelphie, Pennsylvania en 1883. Elle a commencé très jeune à s’intéresser aux arts et à l’opéra, deux passions qui la suivirent toute sa vie et s’accomplirent finalement à travers la future La Napoule Art Foundation. Elsie, sa soeur Laura ainsi que leur mère passèrent quelques années en Allemagne, où Elsie a réellement découvert l’art et particulièrement l’opéra, deux passions qu’elle a gardé tout au long de sa vie.
Elsie épousa son premier mari, Robert Goelet, en 1904. Ils voyagèrent à travers le monde avant de s’installer à New York et à Newport, Rhode Island. Son amour pour l’opéra grandit une fois à New York, où elle a accès aux meilleures performances. Cependant, Elsie souffre de son impossibilité à s’investir réellement dans les arts, autrement qu’en prenant le rôle passif de spectatrice. Il lui est difficile d’intégrer les arts à son mode de vie en société, en effet ceux-ci ne sont pas considérés comme faisant partie de ses devoirs de jeune épouse.
Quand Elise rencontre Henry Clews en 1910, elle se dit intriguée par “sa mélancolie sombre…qui le différencie des autres hommes”. Il était intense et curieux, et les deux se sont rapidement bien entendus, discutant d’art pendant des heures. Elsie était toujours mariée à Robert Goelet, et le couple avait deux jeunes fils, mais elle sentait au fond d’elle-même que son destin était lié à celui d’Henry. Malgré ses réticences à l’idée de quitter la vie qu’elle connaissait, Elsie divorce de Robert. Quelques temps plus tard, Henry et Elsie (rebaptisée Marie par Henry) se marient le 19 Décembre 1914, en une union que la mère d’Henry décrit comme “insensée”. Le couple quitte rapidement les États-Unis pour entamer une nouvelle vie à Paris.
Le couple d’artistes s’épanouit à Paris. Henry travaille sur ses sculptures tandis que Marie donne libre cours à son amour de la musique. Cependant, la vie à Paris devient rapidement difficile avec les débuts de la Première Guerre Mondiale, et leur premier enfant, Mancha Madison, tombe malade juste après sa naissance. La santé fragile de leur fils, ainsi que les raids aériens trop fréquents, forcent le couple à quitter Paris pour la Méditerrannée, où ils découvrent les ruines laissées à l’abandon du Château de La Napoule.
Situé à peine à l’Ouest de Cannes, le Château de La Napoule occupe un magnifique site de bord de mer, d’abord aménagé par les Romains il y a plus de 2000 ans. À l’origine érigée par la famille Villeneuve au 14ème siècle, la forteresse fut détruite et reconstruite huit fois avant d’être transformée en une verrerie au 19ème siècle.
Après y avoir passé un été, Henry et Marie achètent la propriété et retournent s’y installer pour de bon en 1919. Ils se lancèrent ensemble dans un projet de restauration du bâtiment qui durera dix-sept ans. Marie prit le rôle d’architecte et paysagiste. Elle intégra à la bâtisse deux nouvelles tours, La Tour Sarrasine et la Tour Romane. Elle ajouta également un corps de garde à tourelle, de hauts remparts, et des terrasses avec vue sur la mer. Marie dessina les plans de plus d’un hectare et demi de jardins, remplis de fontaines et de décorations végétales. Henry orne chaque colonne, chaque chapiteau, chaque fissure de ses créatures mythiques. Chaque portail, fenêtre et entrée furent dessinés puis réalisés individuellement. Leur travail acharné nous laisse un héritage remarquable. Aujourd’hui, le Château est déclaré comme Monument Historique et les jardins ont reçu le titre de Jardins Remarquables par le Ministère de la Culture.
Les jardins de Marie complimentent l’architecture néo-médiévale du Château de La Napoule. Le jardin principale s’ouvre sur une allée centrale majestueuse, bordée de haies, de bassins et de vues sur la mer. De plus petits espaces, invisibles depuis l’allée principale, peuvent être découverts en explorant. Les quatre jardins internes au Château sont emplis de grands arbres anciens. Comme dans un tableau, la verdure est l’élément principal, contrasté par quelques fleurs blanches qui éclosent l’été. La plupart des plantes sont des arbres à feuilles persistantes, tels que le cèdre ou l’eucalyptus.
En complément du jardin principal, les autres jardins sont le jardin La Mancha, les terrasses sur la mer, et le jardin secret. Le jardin à deux étages de La Mancha entoure la Tour du Tombeau, dans lequel Henry et Marie Clews sont enterrés. Le jardin de la terrasse, rempli de cyprès et de haies de romarin, surplombe la Baie de Cannes et la côte panoramique de Mandelieu-La-Napoule. Le petit jardin secret d’angle était le refuge de Marie ; il entoure un puit Vénitien et est bordé de buissons de mûres.
Après la mort d’Henry en 1937, Marie protège le Château avec rigueur ; c’est finalement elle qui a donné vie à ce rêve de créer un sanctuaire pour les artistes. Elle avait toujours imaginé rassembler près de la mer les meilleurs peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains et compositeurs du monde, afin de créer un échange interculturel dynamique. Elle travailla plus de vingt ans à réaliser ce rêve, après la mort d’Henry.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Marie vécu dans le corps de garde pour s’assurer que son Château tant aimé ne subisse pas de dégâts trop importants tandis que ses chambres étaient occupées par les forces militaires. Elle enterra toutes les sculptures d’Henry dans la cour pour les préserver des pillages et des dégâts.
À l’approche de sa mort, Marie eut un choix important à faire. Elle aurait facilement pu transmettre l’intégralité du Château à ses enfants. Mais au lieu de ça, elle se lance dans la réalisation de son rêve d’un sanctuaire pour artistes, à travers la création de La Napoule Art Foundation. Marie travaille sans cesse pour obtenir le soutien des gouvernements de France et des États-Unis afin de mettre en place la Fondation. Elle obtient, par son travail acharné, la reconnaissance de l’État de New York à travers une Absolute Charter, le même document dont bénéficient à présent le Metropolitan Museum of Art de New York et le prestigieux Museum of Natural History. Ce document a fait de La Napoule Art Foundation le premier Musée Américain établi à l’étranger à bénéficier d’une charte.
Marie a été pionnière dans son domaine en invitant le premier artiste résident, le sculpteur Edward (Ned) Hoffman, à travailler au Château de La Napoule en 1951. Depuis, LNAF a offert du temps, des espaces et des opportunités de travail à des artistes américains, français, et du monde entier. Des artistes à la renommée internationale, des chercheurs, et des journalistes d’au moins 40 pays différents se sont rassemblés au Château – des artistes récompensés au festival du film aux artistes Oscarisés en passant par des lauréats de prix Nobel – pour contribuer au bien commun.
Marie croyait en l’importance des arts. Après avoir survécu à deux guerres mondiales dévastatrices, elle savait qu’il existait un meilleur moyen de communiquer et de résoudre nos différences. Elle voyait l’art comme un outil pour y parvenir. Les artistes parlent un langage international, qui peut nous rassembler à travers le monde, et Marie savait que l’art peut apporter réconfort et soutien dans des temps difficiles.
“L’art est une occupation pacifique et spirituelle qui doit s’épanouir le plus possible pour compenser les horreurs de la guerre et maintenir l’équilibre de l’esprit humain” -Marie Clews